Je ne sais pas si rouler en bike aujourd'hui est un hommage ou un affront.

Je ne sais pas si on devrait faire vombrir encore deux fois plus fort nos moteurs sur les tracks ou les fermer pour se recueillir dans le silence et l'accompagner.

Je ne sais pas si je vends tout mon stock et que je quitte cette saleté de motocross, qui vient de nous arracher brutalement notre petite Marianne Brodeur, si jeune, si talentueuse et si lumineuse.

 

Je suis tétanisée par la brutalité de l'événement.

On vient de perdre un gros morceau et sa mort est un peu aussi la mienne/la nôtre.

Je pense à sa famille, à son nouveau chum, à ses proches, et aux miens.

Je ne sais pas comment trouver le courage pour relever le menton.

Je ne sais plus quel était le résultat farfelu de mon équation montée d'adrénaline versus prise de risque et que je me borne à ignorer depuis le début.

Je ne sais plus si j'ai les moyens pour le prix de la passion.

 

J'ai des images de Marianne qui défilent dans ma tête, elle venait toujours nous jaser sur la ligne de départ pendant nos courses d'endurocross de la FMSQ, nous encourager, nous parler des conditions du bois, de la track, on s'échangeait nos résultats, on faisait des blagues.

Elle était heureuse, fébrile d'avoir sa course un peu plus tard, toujours belle. 

Il y avait dans ses yeux bleus cette grande détermination qui ne donne pas place à l'hésitation et un esprit très compétitif et professionnel qui lui servait admirablement contre ses rivales. Elle venait du milieu de la gymnastique qui lui avait appris rigueur, soif de gagner et persévérance.  Ses photos de courses reflétaient son caractère dynamique et authentique. 

On y retrouvait beaucoup d'humanité.  

Elle prenait les sourires, les étincelles dans les yeux, le petit stress à la gate, les couples amoureux.

 

Cela remet tout en question.

Le risque de t'aimer motocross.

La culpabilité de te détester ce matin.

La grande peine de revisiter la fragilité de la vie.

La grande peur de la dangerosité de notre sport.

L'injustice de la perte de personnes immenses.

 

Je ne sais plus comment reprendre confiance quand les mauvaises étoiles se sont alignées pour le pire. 

Pour toi, petite Marianne à La Guadeloupe, mais aussi en France, pour mon ami Mika Musquin qui lutte, comme un damné en ce moment, pour reprendre le contrôle de ses membres inférieurs et supérieurs.

 

 

Pourquoi la passion brûle t'elle les ailes alors qu'elle devrait uniquement enflammer les coeurs?

 

Je sais qu'elle est partie en faisant ce qu'elle aime, mais j'aurais préféré qu'elle reste en faisant quelque chose qu'elle n'aime pas.

 

Qu'est-ce que je vais faire avec ce que je trouve au fond de moi même: des questions et des larmes?

 

Sans doute qu'elle me donnerait une bonne claque derrière la tête, en se moquant de moi, en disant: Enweille partner, arrête de niaiser, va rouler.

 

Je ne sais plus rien, mais je pense à toi championne.

 

Marianne, repose en paix, veille sur nous tous et envoie nous ta force et ta lumière.

 

ISA MORE 

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